Image : Le premier “Commanders Call” à Berne. Le commandant de corps Hans-Peter Walser, du commandement de l’Instruction, le commandant de corps Aldo Schellenberg, du commandement des Opérations, et moi-même nous trouvions sur place. Au téléphone, près de xxx commandants engagés.
Image : Le premier “Commanders Call” à Berne. Le commandant de corps Hans-Peter Walser, du commandement de l’Instruction, le commandant de corps Aldo Schellenberg, du commandement des Opérations, et moi-même nous trouvions sur place. Au téléphone, près de xxx commandants engagés.

Donner plutôt que prendre : accorder une certaine liberté décisionnelle et fournir un contexte

Avertissement : ce blog peut relayer des propos auxquels vous ne vous attendiez pas de notre part !

En période de crise, nous avons tendance à vouloir tout maîtriser et à favoriser la prise de décisions centralisée. Or, dans une situation complexe, cette procédure est vouée à l’échec. Pour réussir, il faut en effet agir bien différemment, même si dans un premier temps, cela va à l’encontre de notre intuition.

Après que le Conseil fédéral a déclaré le 16 mars 2020 l’état de situation extraordinaire, l’armée a reçu en quelques jours plus de 300 demandes de soutien. Celles-ci provenaient de l’Administration fédérale des douanes, des corps de police cantonaux et de plus de 50 hôpitaux et institutions médicales dans toute la Suisse.

Alors que le système de santé publique se trouvait déjà surchargé au Tessin, et soumis à une pression croissante en Suisse romande, la situation était encore sous contrôle dans le Nord-Est du pays.

Vu les nombreuses demandes reçues, notre quartier général n’aurait pas été en mesure de gérer l’attribution des prestations : les services requis, les priorités fixées et les modalités définies étaient en effet multiples. La diversité des facteurs organisationnels, linguistiques et temporels constituait également une difficulté de taille.

Sur la base des demandes déposées et de divers modèles prévisionnels, la solution a consisté à anticiper l’évolution de la crise et à mobiliser suffisamment de militaires pour que les commandants en charge de l’engagement puissent disposer des effectifs requis. Les commandants en question se sont mis d’accord sur place avec les dépositaires des demandes ; pour que les engagements pris dans ce cadre profitent à l’ensemble, les militaires ont dû disposer à tout moment d’un aperçu global de la situation. C’est pourquoi, chaque matin à 10h10, se tenait une téléconférence réunissant les commandants de tous les échelons. Lors de cette discussion quotidienne, des informations étaient échangées quant à l’évolution de la situation, que ce soit dans les hôpitaux, à la frontière ou au sein de la troupe. Des spécialistes issus des milieux militaires, économiques, politiques et sanitaires, tous en première ligne, ont ainsi pu partager leurs connaissances.

Pour que tout cela soit possible, il faut bien connaître nos subordonnés, les instruire au mieux, leur accorder toute notre confiance et les laisser assumer leurs responsabilités sans entrave.

 

La conduite par objectifs renforce l’armée

Dans l’Armée suisse, on ne donne pas d’ordre, mais on attribue des mandats et des missions. La différence est de taille et fait appel à ce qu’il y a de plus profond dans notre nature. Tout un chacun veut en effet comprendre le sens de ses actes. En tant que chefs, notre tâche principale consiste à définir un objectif digne de ce nom ou, plus simplement, à motiver nos troupes. La conduite par objectifs, que nous appliquons, nous permet d’atteindre ce but.

Comment expliquer ce qu’est la conduite par objectifs en quelques mots ? Nous choisissons de bon chefs, leur dispensons une instruction de qualité, leur confions des tâches exigeantes et passionnantes, leur donnons les ressources nécessaires et une certaine liberté d’action. En tant que supérieurs, nous les accompagnons, posons les bonnes questions, surmontons s’il le faut les obstacles qui se présentent et accordons des ressources supplémentaires : nous sommes donc de véritables coaches.

L’attribution des mandats et des missions est ici centrale ; il s’agit dans ce cadre de prendre en considération les points ci-après.

  • Le mandat -> de quoi s’agit-il globalement, quel est le sens du mandat, POURQUOI faut-il agir, quelle est l’intention des supérieurs ?
  • La mission -> quel est le but visé dans le contexte général, que faut-il faire CONCRÈTEMENT ?
  • Les moyens -> quelles sont les ressources à disposition (temps, finances, matériel, personnel) ?
  • Les lignes directrices -> comment régler les interfaces ?
  • L’information -> quelles informations faut-il communiquer ?

Durant la crise du corona, le sens du mandat allait de soi. Tous les militaires mobilisés voulaient apporter leur aide. Les missions ont été attribuées aux commandants des bataillons sous la forme des demandes cantonales. Les moyens nécessaires ont été mis en œuvre pour mobiliser des troupes supplémentaires, fournir du matériel, obtenir des ressources financières et mettre à disposition des installations. Les divisions territoriales ont assuré la coordination dans les secteurs concernés et ont veillé à ce que l’armée s’intègre au niveau local. Cette collaboration entre divers acteurs a été couronnée de succès ; nous avons permis à nos subordonnés de prendre leurs responsabilités et donc de s’identifier plus fortement encore à l’institution militaire et à sa mission. Vous en apprendrez plus à ce sujet dans mon prochain article.

 

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